Colloque international organisé par le CRAL, EHESS, dans le cadre d’un projet de recherche franco-mexicain – EHESS, 7-9 septembre 2010
Appel à communications
On a longtemps opposé la persuasion à la conviction. Dans cette optique, seule la conviction ressortissait de l’argumentation, parce qu’elle fait appel à la raison, tandis que la persuasion reposerait sur des techniques de manipulation visant seulement à produire un effet sur l’auditoire. Perelman, par exemple, bien qu’il ait mis l’accent sur l’importance de l’auditoire, n’en défendait pas moins une conception de la rationalité à prétention universelle qui devrait être partagée par tout être de raison et entraînerait la conviction lorsqu’elle s’adresse à un auditoire universel, tandis que la persuasion ne s’adresserait qu’à un auditoire particulier. Les choses n’en sont pas restées là. Ce qu’on a appelé depuis Hamblin le « tournant pragmatique » de l’argumentation a mis en question cette opposition, dans la mesure où, pour ce courant, l’argumentation ayant toujours lieu dans un contexte donné, voit son enjeu limité à ce contexte.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Si le champ de l’argumentation est vaste et ouvert à des positions distinctes, voire opposées, la question de la persuasion est l’une de celles qui divisent le plus les chercheurs. Pour le courant épistémique (John Biro et Harvey Siegel), persuasion et argumentation restent diamétralement opposés, car s’ils admettent que la persuasion peut parfois être le but de l’argumentation, la validité d’un argument doit être mesurée, à leurs yeux, à partir de seuls critères épistémiques. A partir d’une analyse différente, Marc Angenot arrive aux même conclusions dans son dernier livre (Dialogue de sourds, 2008) : le constat que « les gens se persuadent rarement les uns les autres tout en argumentant inlassablement » l’amène également à séparer radicalement persuasion et argumentation. A l’autre extrême se situe la conception de Douglas Walton, pour qui la persuasion constitue l’un des types de dialogues qui découpent pour lui le domaine de l’argumentation et fait donc pleinement partie de celle-ci. Entre ces deux extrêmes viennent prendre place toute une gamme de positions intermédiaires. Les pragma-dialecticiens opposaient (en 2004), le processus de persuasion, centré sur les effets à produire et relevant donc d’une recherche des catégories rhétoriques susceptibles d’influencer de manière efficace un auditoire donné, au processus de conviction qui repose sur la recherche des discours argumentatifs de nature à résoudre un problème de différence d’opinion. Depuis cette présentation, la position de Frans Van Eemeren et de ses co-auteurs a évolué. Ils considèrent aujourd’hui que ces deux éléments sont co-présents à des degrés divers dans toute argumentation. Leur concept de « manœuvre stratégique » cherche à rendre compte de la volonté, au sein de la pratique argumentative, de réduire la tension potentielle qui résulte de ces deux objectifs de l’argumentation, complémentaires mais distincts : viser en même temps le but « dialectique » de la « raisonnabilité » (reasonableness) et le but « rhétorique » de l’efficacité.
En revanche, pour les tenants de l’approche de la logique informelle (Tony Blair et Ralph Johnson), persuasion et argumentation ne sont pas vraiment opposés. C’est ainsi que Johnson définira le but de l’argumentation comme visant à une « persuasion rationnelle ».
L’objectif de ce colloque est de faire le point sur les rapports controversés qu’entretiennent de nos jours la persuasion et l’argumentation dans les différentes conceptions de l’argumentation. Plusieurs thématiques pourront être abordées, parmi lesquelles, à titre indicatif :
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– examiner l’importance du contexte dans les pratiques persuasives, dans la mesure où celles-ci sont toujours fonction d’un auditoire particulier ;
– comprendre comment se présentent ces pratiques dans différentes disciplines, s’il est vrai qu’il y a aussi de la persuasion dans l’argumentation scientifique, par exemple, de sorte que la persuasion ne serait pas l’apanage des arts (littérature et arts visuels) ; l’étude comparative des différentes pratiques persuasives devrait à cet égard s’avérer particulièrement féconde ;
– articuler plus finement persuasion et argumentation, au lieu de les voir comme opposés. Si tous les procédés persuasifs ne relèvent évidemment pas de l’argumentation, certains pourraient peut-être répondre aux critères épistémologiques et cognitifs qui règlent l’argumentation conçue come une entreprise rationnelle ;
– en ce sens, intégrer ainsi à l’argumentation certaines des techniques persuasives devrait permettre de prendre en compte des types de discours encore trop souvent exclus du champ de l’argumentation, précisément parce qu’ils seraient de nature persuasive : littérature, discours publicitaire, propagande politique, argumentation visuelle.
Les communications peuvent être présentées en français ou en anglais.
Les personnes intéressées à participer sont invitées à adresser un courrier électronique avant le 15 février 2010 à Georges Roque : grgsroque@gmail.com
Ce courriel doit contenir un titre provisoire, un résumé de la communication proposée en Word (un feuillet de 1500 signes max.), votre adresse électronique, l’institution à laquelle vous appartenez, le cas échéant, ainsi qu’un bref CV (une page max.). La décision du comité de sélection vous sera communiquée avant le 28 février 2010.